Imposer un changement de cap: manif du 24/11/19 et actions le 25/11/19


 
Appel à la mobilisation massive pour une politique cohérente, volontariste et budgétisée contre les violences faites aux femmes


Manifestation nationale et Actions décentralisées avec une minute de bruit

Depuis début 2017, on compte en Belgique plus de 96 féminicides, dont au moins 18 depuis début 2019[1]. Pour ces trois dernières années, c’est, proportionnellement à la population, bien au-dessus de la moyenne d’autres pays européens. Et il ne s’agit là que de l’expression la plus extrême des différentes formes de violences que les femmes continuent à subir dans notre pays (physiques, sexuelles, économiques, psychologiques, institutionnelles, …). Plus d’un quart des femmes connaissent la terreur quotidienne imposée par leur (ex)compagnon. 98% rencontrent des agressions dans l’espace public. Sans compter le sexisme banalisé qui s’attaque aux droits de toutes les femmes. Pourtant, il n'y a toujours aucun débat politique et aucune stratégie cohérente à la hauteur des enjeux pour lutter efficacement contre toutes les formes de violences faites à toutes les femmes ! Quel mépris !

L’état de la lutte contre les violences faites aux femmes en Belgique est déplorable !

En ratifiant la Convention d’Istanbul en 2016, les différents niveaux de pouvoir (fédéral, régional, communautaire et communal) s’étaient engagés à déployer des mesures coordonnées de prévention des violences, protection des victimes et poursuite des auteurs. Mais, en 2019, le rapport alternatif de la société civile sur la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul démontre à travers de nombreux constats de terrain que cette Convention reste très peu et mal concrétisée[2].

Il n’y a pas de véritable politique de prévention pour faire en sorte que les violences n’arrivent pas. Les victimes sont incitées à en parler mais rien n’est fait pour améliorer substantiellement leur accueil, leur sécurité et leur accompagnement. La reconnaissance des violences par les institutions (santé, police, justice, administrations, employeurs, …) est aléatoire. Le suivi et la responsabilisation des auteurs restent minimes. Sur le terrain, les associations féministes et services spécialisés doivent se débrouiller avec des moyens dérisoires et des financements précaires. La survie même de plusieurs organisations actives dans la lutte contre les violences est d’ailleurs en ce moment mise en péril par une récente restriction de subsides fédéraux et de sérieuses menaces sur la pérennité des subsides de la région flamande[3].

Dans les mois à venir, le dernier plan quinquennal de lutte contre les violences (PAN 2020-2024) doit être élaboré et adopté à tous les niveaux de pouvoir. Jusqu’ici, malgré l’existence d’un Plan d’Action National, la coordination des pouvoirs publics dans la lutte contre les violences est au point mort. Chaque niveau de pouvoir intervient comme bon lui semble, ce qui ne permet que l’éventuel aboutissement de mesures partielles, disparates et parfois même contradictoires. De plus, les PAN ne sont pas budgétisés, ils ne comportent pas d’objectifs chiffrés de réduction des violences et la plupart des mesures sont du ressort de Ministères aux marges de manœuvre limitées, comme l’Egalité des chances. Jusqu’ici donc, les résultats concrets des PAN restent scandaleusement décevants.

Des solutions existent : il suffit de les mettre en œuvre !

Il s’agit cette fois de ne pas louper le coche, en s’appuyant sur les recommandations concrètes (plus de 200 !) avancées par les organisations de terrain dans leur rapport alternatif sur la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul. Mais cela implique une rupture profonde avec les politiques actuelles puisque, pour concrétiser une lutte efficace contre toutes les formes de violences faites à toutes les femmes, il est indispensable

- d’investir un budget public conséquent : les violences représentent déjà un coût énorme pour la société[4] qui reste pourtant incapable de les combattre efficacement. Un budget spécifique, articulé à une politique cohérente, permettrait une utilisation plus rationnelle et efficace de ces fonds, notamment en appuyant les associations et services de terrain

- de privilégier la prévention à la répression : la répression n’intervient (quand elle intervient !) que quand le mal est déjà fait. Nous voulons avant tout éviter que les violences se produisent. Cela implique une politique globale et coordonnée de prévention primaire dans tous les domaines (enseignement, médias, formation continue, emploi, service sociaux et de santé, police, justice, administrations publiques, …)

- de garantir le droit à la sécurité pour toutes les femmes sans basculer dans le sécuritaire : les violences faites aux femmes doivent être prises en compte dans leur complexité à chaque étape de la prise en charge des victimes (police, justice, accompagnement, …) pour en finir avec l'impunité. Les mesures de protection contre la récidive doivent être efficaces et les auteurs doivent être amenés à assumer durablement les conséquences de leurs actes. Les victimes doivent obtenir les moyens de reprendre du pouvoir sur leur vie dans leur parcours de reconstruction (santé physique et mentale, emploi, mobilité, revenus, enfants, ...)

- de battre en brèche toute tentative de stigmatisation d’une partie de la population pour en immuniser une autre. Nous sommes tou-te-s concerné-e-s par les violences faites aux femmes. Nous refusons que les droits des femmes soient instrumentalisés au profit de politiques qui s'alimentent de nos peurs pour continuer à démanteler nos droits fondamentaux.

Imposer un changement de cap

Depuis quelques années, partout dans le monde –et en Belgique aussi- les femmes qui dénoncent les violences machistes rencontrent un écho médiatique. La société dans son ensemble prend conscience de l’ampleur de ces réalités. Mais, pour que cette prise de conscience se transforme en changements concrets et en réelles avancées, encore faut-il que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités. Et ça n’arrivera pas tout seul ! C’est quand la colère s’exprime et s’organise largement que la lutte contre les violences faites aux femmes s’impose aux agendas des gouvernements. Ici aussi, nous pouvons rendre ce changement de cap incontournable !

Les associations féministes et les services spécialisés, soutenus par une centaine d’organisations de la société civile à travers la Plateforme Mirabal[5], appellent donc les femmes et les hommes indigné-e-s par cette situation à se mobiliser massivement de deux manières :

Le 24/11/19 : Manifestation nationale à Bruxelles

Pour la 3e année consécutive, une manifestation nationale contre les violences faites aux femmes est organisée ce dimanche 24 novembre à Bruxelles. Départ au carrefour de l’Europe (gare centrale) à 14h. Infos et matériel de mobilisation sur mirabalbelgium.org. Event fb : https://www.facebook.com/events/2401380906575559/

Le 25/11/19 : Actions décentralisées et une minute de bruit contre les violences

A l’occasion de la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, plusieurs actions sont prévues dans différentes villes du pays. Montrons collectivement notre colère avec une minute de bruit contre l’invisibilisation des violences. A 12h pile, faites du bruit partout où vous le souhaitez : dans votre voiture, à votre travail, dans la rue avec un groupe, à vous de décider! Infos et matériel de mobilisation sur mirabalbelgium.org.

[1] Selon l’Institut Européen pour l’Egalité de Genre, la Belgique est l’un des 6 pays d’Europe qui ne fournit aucune donnée officielle sur les féminicides (European Institute for Gender Equality, Gender-based violence. Understanding intimate partner violence in the EU: the role of data, juin 2019) alors qu'il s'agit pourtant de l'une des obligations de la Convention d'Istanbul ratifiée en 2016. Dans ce contexte, les associations féministes ne peuvent se baser que sur ce qui ressort dans la presse, ce qu’elles font depuis 2017 à travers stopfeminicide.blogspot.be. En 2017, les associations féministes Elles ont ainsi relevé 41 féminicides en 2017, 37 en 2018 et 18 depuis le 1er janvier 2019. En 2019, ce chiffre diminue étrangement de moitié pour des raisons qu’il est difficile d’expliquer faute de moyens d’investigation mais reste néanmoins préoccupant en comparaison avec d’autres pays européens.
[2] Ce rapport alternatif est disponible en intégralité via ce lien : http://stopfeminicide.blogspot.com/2019/05/rapport-alternatif-sur-la-mise-en.html
[3] Lire à ce propos la carte blanche de 78 organisations flamandes dans De Morgen du 4 septembre 2019 ici.
[4] Parce qu’elles impliquent des frais administratifs, de santé, de justice, qu’elles mettent les femmes victimes en incapacité de réaliser leur travail rémunéré ou non et qu’elles ont un impact durable sur leur entourage, en particulier les enfants, le coût des violences faites aux femmes représentent 2% du PIB mondial selon une estimation d’ONU Femmes. Evidemment, aucun chiffre n’existe pour la Belgique mais cette proportion correspondrait ici à 9 milliards d’euros.
[5] Liste des signataires disponible que mirabalbelgium.org ici.