Pourquoi se mobiliser ce 25 novembre en Belgique contre les violences faites aux femmes?


Au moins 33 féminicides depuis le début de l’année en Belgique, c’est proportionnellement deux fois plus qu’en France !


Depuis le début de cette année jusqu’à ce jour, au moins 33 femmes ont été victimes de féminicides, assassinées parce qu’elles sont des femmes dans une société machiste[1]. Elles s’appelaient Laura, 21 ans, d’Etterbeek ; Colette, 68 ans, de Mons ; Inge, 55 ans, de Lanaken ; Negeen, 30 ans, de Hasselt ; Marie-Hélène, 45 ans, de Cerfontaine ; Youlia, 19 ans, de Kortrijk ; … De tous âges, de toutes régions, de toutes origines et milieux sociaux, leur point commun : avoir été tuées par un homme qui voulait les dominer, les contrôler ou littéralement les détruire.
Les assassins aussi ont des profils variés. Il s’agit majoritairement (25 cas) du compagnon ou de l’ex-compagnon de la victime qui, pour 2 d’entre-eux, ont aussi assassiné leur belle-mère présente sur les lieux. 1 femme a été tuée par son neveu, 1 autre par un voisin et 4 autres, dont 2 prostituées, par un homme qui leur était inconnu. D’après ce qu’en dit la presse, si certains assassins (3) paraissaient sympathiques aux yeux de leur entourage, 12, soit 1/3, avaient un comportement violent déjà dénoncé par leur victime, dont une minorité seulement (3) était sous l’influence de stupéfiants, et certains (3) avaient déjà été condamnés auparavant pour violences conjugales. En 2017, 39 féminicides avaient été recensés en Belgique, soit, proportionnellement à la population de nos pays respectifs, 1,5 fois plus qu’en Espagne ou 2 fois plus qu’en France[2]!

Le féminicide est l’expression extrême des rapports de domination des hommes sur les femmes !

Si la responsabilité individuelle des assassins est indéniable et inexcusable, ils ont tous agi dans le contexte d’une société qui banalise et conforte les rapports de pouvoir des hommes sur les femmes, une société qui permet donc la survenance de violences machistes qui, dans leur forme extrême, se traduisent par ces assassinats.
En effet, s’il n’est « pas grave » de siffler une inconnue en rue, si les hommes ont des « besoins sexuels irrépressibles », si frapper sa compagne est « une affaire privée », si « l’humour » ou « l’art » justifient les stéréotypes sexistes, si les femmes n’ont « pas leur place » dans certains espaces ou à certains moments de la vie sociale, pourquoi un homme se priverait-il d’exprimer sa supériorité face à une femme, d’en faire sa chose à la disposition de ses désirs, de la rabaisser jusqu’à l’écraser et à l’anéantir ? C’est ainsi que toutes les femmes continuent à être exposées à l’une ou l’autre forme de violences machistes dans leur vie (conjugales, sexuelles, harcèlements dans l’espace public, économiques, institutionnelles, …), avec des répercussions inévitables sur leur santé, leur autonomie, leurs droits. Et c’est ainsi que, chaque année, le décompte macabre des féminicides reste dramatique. Les comportements individuels et collectifs portent donc une part de responsabilité mais les institutions et pouvoirs publics ne sont pas en reste.

La Belgique respecte à peine 20% de ses obligations en matière de lutte contre les violences machistes !







Depuis plus d’un an, une cinquantaine d’associations féministes actives contre les violences faites aux femmes et de services spécialisés accompagnant les victimes ou les auteurs mettent en commun leurs constats de terrain qui contrastent fortement avec les communications officielles sur l’état de la lutte contre les violences en Belgique. Peu sollicitées par les pouvoirs publics pour l’élaboration des politiques en la matière, ces organisations se sont attelées à la rédaction d’un rapport alternatif sur la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul, premier texte international contraignant sur les mesures à mettre en œuvre pour la prévention de toutes les formes de violences faites aux femmes, la protection des victimes et la poursuite des auteurs[3].
Ce rapport démontre que la Belgique respecte mal ou pas du tout 80% des articles de cette Convention. Les organisations soulignent en particulier des approches variables des violences faites aux femmes, peu de mesures structurelles et pas toujours pertinentes en regard des besoins sur le terrain et une absence de budget spécifique, suffisant et transparent. Cela a des conséquences importantes sur les pratiques et modes d’interventions qui s’avèrent aléatoires, parfois contradictoires, inutiles voire dangereux pour les victimes dans des domaines aussi variés que la prévention, la formation des professionnel-le-s, l’hébergement, la protection, le soutien et l’accompagnement des victimes et des enfants exposés, l’accès aux droits particulièrement pour les femmes les plus vulnérable ou encore les poursuites judiciaires[4].
Face à ces constats, les organisations spécialisées appellent à ce que la Belgique respecte ses engagements en faisant de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité systématique dans une politique intégrée impliquant tous les niveaux de pouvoir en collaboration étroite avec les organisations de terrain de façon à changer en profondeur les pratiques et adapter au mieux les moyens, y compris budgétaires.

Parce qu’on ne peut plus dire qu’on ne savait pas, on ne peut plus laisser faire, une manifestation nationale s’organise ce 25 novembre !







A l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, des mobilisations féministes sont organisées partout dans le monde. En Belgique, plusieurs dizaines d’organisations appellent à une manifestation nationale ce jour-là à Bruxelles[5] dans une démarche solidaire avec la dynamique féministe internationale. En soutien aux interpellations soulevées par le rapport alternatif sur la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul, cette mobilisation appelle les pouvoirs publics à renverser la vapeur des politiques d’austérité, du racisme et du sexisme pour prendre les mesures nécessaires afin de garantir l’autonomie et la sécurité de toutes les femmes avec ou sans papiers, avec ou sans emploi, quelle que soit leur origine, leur âge ou leur orientation sexuelle.
L’année passée, cette initiative avait déjà rencontré un succès important en rassemblant, pour la première fois, plus de 3.000 personnes. En 2018, les organisations féministes et leurs soutiens espèrent mobiliser davantage, en s’appuyant sur une meilleure prise de conscience, dans l’opinion publique, de l’ampleur des différentes formes de violences machistes grâce aux nombreuses femmes qui les dénoncent.
Contact : stopfeminicide@gmail.com
[1] En l’absence de chiffres officiels, ce recensement est réalisé sur base de la presse en ligne par des associations féministes depuis 2017, pour « rendre hommage aux victimes et, à travers elles, aux milliers de victimes des violences machistes qui y survivent au quotidien » mais aussi pour « mettre des visages sur ces chiffres et faire pression sur les pouvoirs publics ». En 2017, 39 féminicides ont été recensés. (http://stopfeminicide.blogspot.be; https://www.facebook.com/StopFeminicideBelgium).
[2] Sur base des chiffres des féminicides en 2017 : 39 en Belgique (11 millions d’habitant-e-s) ; 99 en Espagne (46,5 millions d’habitant-e-s) et 109 en France (67 millions d’habitant-e-s).
[3] Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d’Istanbul, a été ratifiée par la Belgique en 2016 (https://rm.coe.int/1680462533). Un rapport officiel sur la mise en œuvre de cette Convention doit être remis par l’Institut pour l’Egalité entre Femmes et Hommes en 2019 et la société civile a la possibilité de déposer en même temps un rapport alternatif sur base de ses constats de terrain.
[4] Le rapport alternatif est davantage qualitatif que quantitatif. Il rapporte des situations concrètes rencontrées par les organisations de terrain à propos des dysfonctionnements dénoncés. Il énumère aussi une série de recommandations pour remédier à ces problèmes. Le rapport intégral sera rendu public début 2019 mais les organisations qui y ont contribué sont disponibles pour approfondir l’un ou l’autre aspect présenté dans le résumé du rapport ci-joint.
[5] Départ à 14h au palais de justice de Bruxelles (https://www.facebook.com/events/2044266425618595). Cette action est organisée par Mirabal (www.mirabalbelgium.org) une plateforme fédérée autour de l’organisation pratique de la mobilisation nationale du 25 novembre. Cette année, Mirabal supporte les interpellations soulevées par le rapport alternatif à la mise en œuvre de la convention d’Istanbul rédigé par les organisations féministes et services spécialisés. L’appel 2018 est disponible en version électronique ici : https://www.petitions24.net/appel_a_la_mobilisation_contre_les_violences_faites_aux_femmes__oproep_tot_mobilisatie_tegen_geweld_op_vrouwen